Crise du logement : Comment redresser la barre ?

September 2, 2024

La situation du logement en France est aujourd'hui un sujet brûlant, avec des enjeux aussi bien économiques que sociaux. 

On se retrouve dans une période où l'accès à la propriété devient de plus en plus compliqué, et où les réformes peinent à suivre le rythme des besoins. 

C'est dans ce contexte que Clémentine, cofondatrice de kelvin, a participé aux Assises du Logement à Paris en 2024, pour y suivre les discussions entre Benoît Ameye (sous-directeur des politiques de l’habitat) et Benoît Chantoiseau (chef du bureau du développement).

Leur analyse du marché actuel, des causes de la crise et des pistes d'amélioration pour les prochaines années éclaire sur l'avenir du secteur. On récapitule le tout ci-dessous.

Le marché immobilier en crise

Aujourd'hui, l'immobilier français traverse une période critique, que l’on peut comparer à la crise de 2009. 

Les taux d’intérêt sont montés de 1 % à 4 % en à peine deux ans, ce qui a drastiquement réduit la capacité d’achat des ménages, entraînant une baisse des crédits immobiliers de plus de 50 % en seulement 18 mois. 

Cette chute impacte surtout les ménages les plus modestes, qui peinent le plus à obtenir des financements pour acheter leur logement.

Qui plus est, l’accès à la propriété a un poids non négligeable sur l’économie du pays : l'investissement des ménages dans le logement représente à lui seul près de 5 % du PIB français. Quand les crédits chutent, c’est tout un écosystème qui en subit les conséquences, des constructeurs aux artisans.

Le ralentissement de la construction neuve et des rénovations aggravent la situation

En parallèle, la crise de l'offre immobilière se fait sentir plus que jamais. 

La hausse des coûts des matériaux de construction et le manque de main-d'œuvre freinent les mises en chantier. On parle d’une baisse de 30 % des surfaces construites en 2023 par rapport à la décennie précédente. La FFB expliquait en Septembre que “sur les 15 derniers mois, on a construit 100 000 logements neufs de moins qu’il y a un an”, alors que les besoins sont énormes.

Le secteur de la rénovation, même s’il souffre également de ces augmentations de coûts, semble mieux s’en sortir. Cela s’explique en partie par la pression légale sur la rénovation des passoires thermiques, qui pousse de plus en plus de propriétaires à rénover leurs biens.

Une crise à l’échelle européenne

Cette situation n’est pas unique à la France. 

D'autres pays européens sont confrontés à des crises similaires, parfois encore plus sévères. En Allemagne, par exemple, les autorisations de construire ont chuté de 40 %, ce qui reflète la même paralysie qu’en France, où les transactions immobilières ont baissé de 30 % depuis 2022.

Le marché locatif est lui aussi en tension, avec moins de sorties vers la propriété et davantage de logements nécessitant une rénovation pour répondre aux normes. Cette situation freine les investissements dans le secteur, et avec moins d’offres disponibles, les prix des loyers continuent d’augmenter, particulièrement dans les zones tendues.

Des obstacles structurels persistants

La crise actuelle n’est pas uniquement conjoncturelle, elle repose aussi sur d’autres facteurs à long terme. 

L’un des plus notables est la résistance à la densification, ce qu’on appelle souvent le syndrome NIMBY : "Not In My Backyard" (on adore les anglicismes chez kelvin). 

Ce phénomène se produit principalement dans les zones urbaines, où les habitants s’opposent à la construction de nouveaux logements, exacerbant la pénurie.

Autre facteur aggravant : la suppression de la taxe d’habitation, qui a réduit la capacité des communes à financer les infrastructures nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants. 

Résultat : les zones rurales sont de plus en plus laissées de côté, tandis que la demande se concentre dans les grandes villes.

Un endettement de 100% des ménages

L’une des conséquences les plus préoccupantes de cette crise est la hausse de l’endettement des ménages. 

Aujourd’hui, cet endettement représente plus de 100 % du revenu disponible des familles, contre 58 % il y a vingt ans. 

Cette situation accentue les inégalités générationnelles : tandis que les jeunes peinent à devenir propriétaires, les générations plus âgées, déjà propriétaires, voient la valeur de leurs biens augmenter.

Par ailleurs, le rendement locatif est en baisse, ce qui freine les investisseurs malgré les dispositifs fiscaux encourageant l’investissement dans l’immobilier neuf. 

Ce retrait des investisseurs pèse encore sur l’offre locative, déjà insuffisante dans les zones à forte demande.

Les leviers de demain

Pour faire face à ces défis, il est essentiel de repenser l'avenir du logement en France. 

La transition démographique va changer la donne : d’ici 2050, un tiers de la population française aura plus de 60 ans, ce qui nécessitera des logements adaptés. 

De plus, la transition écologique du secteur est inévitable. 

Le bâtiment est responsable de 45 % de la consommation énergétique et de 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France. 

Rénover les bâtiments existants et construire de nouveaux logements moins énergivores sont donc des priorités absolues.

Des solutions à portée de main

Lors des Assises, plusieurs pistes ont été évoquées pour sortir de cette crise. 

D’abord, il est impératif d’accélérer la décarbonation de la construction, en encourageant l’utilisation de matériaux plus respectueux de l’environnement. 

Il est également nécessaire de densifier les zones urbaines, notamment en réhabilitant des bureaux vacants pour en faire des logements.

Les collectivités locales ont un rôle central à jouer pour favoriser un développement immobilier équilibré, qui réponde à la demande sans sacrifier l’environnement. L’objectif de "zéro artificialisation nette" et les mesures à venir sur le sujet leur serviront de garde-fou.

La crise du logement en France est complexe, mais elle n'est pas insurmontable.

En misant sur la rénovation, la construction durable et des politiques foncières adaptées, il est possible de répondre à la demande tout en respectant les impératifs écologiques et sociaux. Alors, au boulot!

Ressources

Découvrez les articles similaires