Crise du marché locatif : quelles solutions?

September 4, 2024

Le marché locatif en France traverse une crise profonde, marquée par une forte baisse de l'offre et une hausse continue des loyers. 

Lors des Assises du Logement 2024 à Paris, une des conférences était dédiée au marché locatif. Loïc Cantin (FNAIM), Dominique Debuire (UNPLV), Maître Xavier Lièvre (Conseil Supérieur du Notariat) et Emmanuel Rousselot (DHUP) ont débattu des enjeux et des solutions à envisager pour sortir de cette impasse. On résume l’essentiel ci-dessous.

Où sont passés les logements du marché locatif ?

Le problème principal est clair : l'offre locative a drastiquement diminué. 

En seulement trois ans, elle a chuté de 42 %, avec des baisses de 19 % en un an et 36 % en deux ans. Cette situation est la conséquence de plusieurs facteurs :

  • Accès restreint au crédit immobilier : les critères d'octroi de prêts se sont durcis, ce qui empêche de nombreux particuliers de se lancer dans l’investissement locatif.
  • Réglementation énergétique : l’obligation de rénovation énergétique impose aux propriétaires de moderniser leurs biens. À partir de 2025, les logements classés G+ seront interdits à la location, une mesure qui pousse certains propriétaires à retirer leurs logements du marché dès maintenant par enticipation
  • Déséquilibre juridique : Pour les experts, les évolutions récentes des lois sur la location ont augmenté les risques pour les bailleurs. Les procédures pour expulser un locataire en cas de non-paiement ou les retards sont perçus comme trop complexes et longues, ce qui démotive les propriétaires.
  • Fiscalité jugée excessive : la taxation des revenus locatifs peut atteindre 45 % (incluant la CSG et la CRDS), tandis que les placements financiers sont taxés à 30 %. Cette différence rend l'immobilier locatif moins attractif pour les investisseurs.

Cette combinaison de facteurs crée une situation où l'offre diminue alors que la demande ne cesse de croître, notamment dans les grandes villes.

Les loyers suivent cette dynamique : après une hausse de 2,4 % en 2022, ils ont augmenté de 3,5 % en 2023, représentant une augmentation totale de 7 % depuis 2021.

La location saisonnière : un coupable surestimé ?

La location saisonnière, bien que souvent montrée du doigt comme un facteur aggravant de la crise locative, n’a en réalité qu’un impact limité sur l’offre de logements longue durée. 

Certes, le régime fiscal des locations meublées est perçu comme plus avantageux (les revenus issus de la location meublée, notamment via des plateformes comme Airbnb, étant souvent moins taxés). Cette fiscalité favorable incite certains propriétaires à convertir leur bien en location saisonnière, réduisant encore l'offre de logements disponibles pour la location à long terme.

Mais en réalité, seuls 8 % des meublés touristiques sont loués à l’année pour de courtes durées. 

Dans certaines zones, comme Paris, où la demande touristique est forte, cette pratique reste néanmoins importante et contribue à la dynamique économique locale, notamment avec les Jeux Olympiques de 2024.

Pour éviter que la location saisonnière ne prive le marché locatif de logements disponibles à l’année, plusieurs solutions ont été évoquées :

  • Rendre les baux à long terme plus attractifs, en offrant de meilleures garanties financières aux propriétaires, notamment sur le paiement des loyers.
  • Renforcer la régulation : les élus locaux disposent de plusieurs outils pour encadrer la location touristique, mais ces mesures sont souvent méconnues ou peu appliquées. Une meilleure sensibilisation et diffusion de ces ressources pourrait aider à équilibrer l’offre.

Une vacance des logements problématique

En France, environ 1,1 million de logements sont vacants depuis plus de deux ans, soit 8,2 % du parc immobilier national. 

Ces logements, souvent vétustes ou mal situés, représentent une ressource sous-exploitée dans un contexte de pénurie. Les raisons de cette vacance sont diverses :

  • Localisation inadaptée : certains logements sont situés dans des zones où la demande est faible.
  • Logements en mauvais état : la rénovation de ces biens est souvent coûteuse, ce qui décourage les propriétaires.
  • Obstacles administratifs : les démarches pour remettre un logement sur le marché, que ce soit via la location ou la vente, sont parfois complexes ou peu avantageuses.

Pour inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché, l’État a instauré une taxe sur les logements vacants, majorée de 50 % en 2023

En parallèle, des outils comme la base de données Lovac et l’application Zéro Logement Vacant ont été mis en place pour permettre aux collectivités de repérer et rénover ces logements.

Une autre piste suggérée durant la conférence : la transformation des bureaux vacants en logements, particulièrement dans les grandes villes où la demande de logements est forte. 

Cela permettrait d'optimiser l'espace existant tout en répondant à la pénurie de logements disponibles.

Des propriétaires coincés entre fiscalité et réformes sur la rénovation énergétique

En plus des taxes élevées sur les revenus locatifs, les propriétaires doivent aujourd’hui se conformer à des règles de plus en plus strictes, notamment en ce qui concerne la rénovation énergétique. On parle de ces restrictions ici.

De nombreux propriétaires, surtout ceux possédant des biens anciens, hésitent à engager des dépenses importantes pour rendre leur logement conforme aux nouvelles normes énergétiques, préférant parfois vendre ou retirer leur bien du marché.

Pour résoudre cette crise, la piste de la réforme fiscale est plébiscitée par beaucoup.

  • Diversification des régimes fiscaux en fonction des stratégies d'investissement, qu’il s’agisse de revenus fonciers ou de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) avec amortissement. 
  • Création d’un traitement fiscal plus avantageux pour les logements anciens, en particulier en matière de déductions fiscales pour les travaux de rénovation énergétique.

Tout ce qui peut inciter les propriétaires à rénover leurs logements et à en améliorer la performance énergétique est bon à prendre. Visiblement, la réglementation sur les logements disponibles à la location fait sa part. Il faut maintenant que les incitations financières et fiscales suivent. 

La crise du marché locatif en France ne pourra être résolue que par une action concertée entre les différents acteurs : État, collectivités territoriales, investisseurs et propriétaires. 

Une fiscalité plus incitative, une simplification des démarches administratives et une meilleure régulation sur les logements vacants sont autant de pistes pour redonner confiance aux bailleurs et augmenter l’offre locative. 

FAQ :

  • Pourquoi l'offre locative baisse-t-elle ? Le durcissement des crédits, la réglementation sur la performance énergétique, la fiscalité lourde et l’insécurité juridique découragent les propriétaires.
  • Quelles sont les conséquences de la vacance des logements ? Environ 1,1 million de logements sont vacants depuis plus de deux ans, principalement en raison de leur état ou des difficultés à les rénover.
  • Quel est l'impact de la location saisonnière sur le marché ? La location saisonnière n’a qu’un impact limité, représentant 8 % des meublés touristiques, mais une meilleure régulation est nécessaire.
  • Quelles réformes sont envisagées pour relancer l'offre locative ? Alléger la fiscalité des locations vides, simplifier les rénovations énergétiques, et harmoniser les régimes fiscaux entre différentes formes de location.
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